La cohérence d’un terroir
Comment s’est organisée, depuis le milieu du XXe siècle, avec ses bouleversements socio-économiques et agricoles, la survie du terroir Aubrac ancestral ?
Comment s’est organisée, depuis le milieu du XXe siècle, avec ses bouleversements socio-économiques et agricoles, la survie du terroir Aubrac ancestral ?
Au milieu du siècle dernier, les grands modèles de l’agriculture moderne se développent, propageant dans le monde de nouvelles méthodes de production (motorisation, engrais chimiques) et aussi la modernisation de l’élevage avec spécialisation des races et diminution de leur nombre.
Alors que l’Aubrac, touché par l’exode rural et les transformations des techniques agricoles, voit l’activité laitière décliner dangereusement, la plupart des producteurs se laissent conquérir par les sirènes de la nouvelle agriculture.
Cependant, après quelques années, à peine deux décennies, on va se rendre compte que ces méthodes productivistes ne sont pas adaptées à des territoires tels que l’Aubrac. Climat, relief, sol, sont trop spécifiques, présentent des particularités trop marquées pour pouvoir se plier aux schémas de l’agroalimentaire moderne, adaptés à des zones plus productives. Les repères de performance, qui ailleurs peuvent avoir leur raison d’être (rendement, vitesse de croissance, volume de production par vache laitière, etc.), ne pouvaient sur l’Aubrac que conduire à une impasse de non compétitivité, car ces critères ne tiennent pas compte des environnements naturels.
Ainsi, les producteurs de l’Aubrac, qui avaient adopté la « VHP », ou « vache à haut potentiel », décident-ils de modifier leur approche et de se fier plutôt à des schémas mis en place en des lieux aux caractéristiques similaires, c’est-à-dire dans des montagnes, telles le Jura ou la Savoie. Une telle démarche, initiée par André Valadier, met en place ce qu’il nomme un phénomène de « contamination positive », d’un territoire vers un autre. C’est ainsi que la VHP est progressivement abandonnée pour retrouver des troupeaux de vaches adaptées au territoire.
Il s’agissait d’écouter le conseil des anciens face à la tourmente qui aurait tôt fait de vous perdre : remets tes pas dans tes traces avant qu’elles ne soient effacées.
Une autre constatation a suivi ce premier réajustement vis-à-vis du terroir : le constat qu’avec une alimentation des vaches comprenant du maïs ou de l’ensilage, le lait et le fromage n’étaient plus ce qu’ils étaient.
Ces pratiques ont donc été progressivement évacuées et le syndicat et ses producteurs sont revenus à ce cercle vertueux dans lequel s’inscrivent en mouvement continu les interactions entre l’homme, le territoire, le sol, le climat et le produit.
En effet, c’est suite aux dispositions prises par rapport au produit fini, qu’il a été constaté avec bonheur, et dans tous les cas, les effets induits sur le paysage et l’environnement. Il est donc évident que lorsque le milieu naturel est consolidé et rétabli dans sa position d’acteur, par l’effet de cohérences rétablies, il devient l’allié indispensable et de ce fait, produit et territoire indissolublement reliés partagent un sort commun. Ceci entraîne naturellement des réflexes de sauvegarde et de respect mutuels et réciproques.